mercredi 25 novembre 2015

Autant que la vie vaille la peine d'être vécue...



Nous traversons un temps de peur et de tristesse intenses. De la Syrie à Gaza, en passant par Bagdad, Beyrouth, les plages grecques, le Mali, Ankara, Sousse, Paris... les images qui nous habitent sont celles d’un monde où se multiplient des champs de ruines sur lesquels s’amoncellent les cadavres. 

Parce que nous ne dirigeons aucune armée, parce que nous sommes tenu-es à l’écart des centres de pouvoir, parce qu’au quotidien nous participons à la fabrique d’autres pratiques, nous ne portons pas la responsabilité directe de l’escalade de la violence et des temps sombres qui nous attendent. Nous en sommes, aussi, les otages. Pour autant, il nous est impossible aujourd’hui de ne pas en répondre et de laisser faire en notre nom des politiques mortifères aux conséquences dramatiques pour les peuples et pour la terre. 

Nous persistons à refuser la solution guerrière et à rejeter l’Etat d’urgence en invoquant nos états d’urgence : sociaux, économiques, politiques et climatiques. A cette folie ambiante, nous voulons opposer nos désirs de solidarité et de luttes.

Le Mille Plateaux a commencé la saison 2015 par une rencontre avec des artistes palestiniens 
originaires du camp de Yarmouk en Syrie. Au printemps, à l’été et à l’automne, nous avons parlé d’éco-féminisme et de sorcières, soutenu les réfugié-es de La Chapelle, chanté, dit de la poésie, jardiné, cuisiné. Dansé aussi. 

Pour continuer à hériter de ces histoires de luttes et transformer collectivement nos émotions, nous vous invitons à une veillée au Mille Plateaux le samedi 5 décembre à partir de 20h :  un moment habité des textes, des musiques, des performances que chacun-e voudra offrir, un moment doux, aussi, autour des braseros.

Apportez de quoi manger pour que cette soirée soit un temps de partage. Quant à nous, nous offrirons une soupe cuisinée avec les courges récoltées cette année sur notre terrain, afin de ne pas oublier que nos rêves et espoirs peuvent aussi être fertiles et que, peut-être, en les nourrissant bien, ils contribueront à dessiner les contours d’un monde en vie.





«Il y a cette répétition d’un temps de peur, d’anesthésie et d’impuissance. (...) Ces traditions de faire passer la vie là où il y a la terreur sont cruciales maintenant. Ce n’est pas qu’il soit trop tard ou pas trop tard - tout cela va peut-être finir très mal - mais nos enfants et les enfants de nos enfants vont vivre à travers ça, et la manière dont il vont réussir à vivre, à survivre dans la terreur, le désespoir, le cynisme dans lequel nous baignons d’ores et déjà dépend beaucoup des récits que nous leur léguerons, de ce que nous leur dirons. (...) Nous devons réussir à fabriquer de quoi être dignes de leur léguer des histoires de joies et de résistances. 
Même si finalement il faudra mourir, autant que la vie soit intéressante d’ici là. Autant que la vie vaille la peine d’être vécue...»


Isabelle Stengers, extrait de la discussion « Écoféminisme, la terre du point de vue des femmes » // Maison des métallos - 29 octobre 2015.